Le nom de Benjamin Rabier (1864-1939) résonne encore aujourd’hui dans les mémoires. L’illustrateur animalier fait en effet partie du patrimoine des arts graphiques français : il est l'inventeur du bovin hilare qui figure depuis 1921 sur les boîtes de "La Vache qui rit", et Gédéon, son canard jaune à long cou, est le héros mémorable d’une série de livres pour la jeunesse toujours réédités. On connaît moins le Benjamin Rabier auteur de bande dessinée : pourtant, avec plus de 1400 pages dans Le Pêle-Mêle, Le Journal amusant, ou encore La Jeunesse illustrée — revue dont il est à l'époque le dessinateur vedette — il en est l'un des artistes majeurs du début du XXe siècle. Excellant dans l’exercice du gag en une page, Benjamin Rabier y met en scène son bestiaire composé d’animaux de toutes sortes, d’enfants terribles, et d’objets qui jouent de mauvais tours, dans le plus pur style burlesque de l’époque. Son trait naturaliste, son humour parfois cru, et son goût pour le mécanisme et les jeux de logique en font un précurseur essentiel, dont on mesure l’influence dans les générations suivantes et notamment chez Hergé. Cette anthologie, établie par Antoine Sausverd, remet enfin cette œuvre en lumière et rappelle, avec bonheur, la place majeure qu'occupe Benjamin Rabier dans l’histoire de la bande dessinée.